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Les problèmes des services d’emploi en DI

En résumé

Même si des services existent en lien avec l’emploi des personnes en situation de handicap, la situation au Québec est critique. De nombreux problèmes existent et font en sorte que l’emploi des personnes en situation de handicap est limité.  

  • Des services d’emploi inadaptés aux besoins spécifiques
    Au Québec, les personnes ayant une déficience intellectuelle rencontrent de nombreux obstacles pour accéder à l’emploi. Les services existants ne répondent pas toujours à leurs besoins spécifiques, ce qui limite leurs opportunités professionnelles. Ce manque d’adaptation entraîne des situations d’exclusion et de précarité.
  • Des défis persistants malgré les programmes existants
    Malgré l’existence de programmes et de politiques visant à favoriser l’inclusion en emploi, des défis persistent. Les personnes concernées continuent de faire face à des difficultés d’accès, de maintien et de progression dans l’emploi. Cela souligne la nécessité d’une révision et d’une amélioration des dispositifs en place.
  • Vers une approche plus inclusive et adaptée
    Pour améliorer la situation, il est essentiel de repenser les services d’emploi en les rendant plus inclusifs et adaptés aux réalités des personnes en situation de handicap. Cela implique une collaboration renforcée entre les différents acteurs du milieu de l’emploi et une écoute attentive des besoins des personnes concernées.
Des services qui ne fonctionnent pas

Des rapports gouvernementaux mettent en lumière les problèmes 

Malgré d’importants budgets investis pour soutenir l’employabilité des personnes en situation de handicap, plusieurs organisations et ministères du gouvernement du Québec jugent les résultats insuffisants.  

En 2020, le Vérificateur général du Québec soulignait que les services offerts étaient inadéquats et n’arrivaient pas à mener les jeunes adultes en situation de handicap vers un emploi (Vérificateur général du Québec, 2020). Par exemple, très peu de jeunes adultes réussissaient à sortir des entreprises adaptées pour rejoindre le marché du travail, alors que ces services devraient être temporaires. Le rapport soulignait également que les jeunes en situation de handicap rencontraient de nombreuses barrières à l’emploi et que les services étaient inadéquats. 

Quant à l’Office des personnes handicapées du Québec, il concluait en 2021 que les services en employabilité étaient insuffisants et ne répondaient pas aux besoins (Office des personnes handicapées du Québec, 2021). 

Plus récemment, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a publié une recherche sur l’employabilité des personnes en situation de handicap. Cette recherche critiquait le modèle actuel et constatait que celui-ci ne fonctionne pas, ne donne pas les résultats escomptés et entraîne même des situations d’exploitation. L’étude met aussi en évidence la présence de nombreux préjugés dans les milieux de travail et propose des pistes de solutions pour réduire les obstacles rencontrés par les personnes en situation de handicap. 

Ces rapports font écho avec ce que les organisations sur le terrain constatent, tant au niveau de la transition entre l’école et la vie active, qu’au niveau des services d’employabilité. Les services sont morcelés, pas toujours disponibles, et ont souvent des listes d’attente de plusieurs années. Résultat : de nombreuses personnes stagnent dans des programmes censés être temporaires.  

Il devient donc essentiel de revoir l’organisation des services et de s’inspirer de modèles qui ont fait leurs preuves ailleurs.

Des pistes de solutions sont présentées dans la section « Solutions en emploi ».  

Une Stratégie nationale 2019-2024 qui n’a pas vraiment fonctionnée 

En juin 2025, le gouvernement a publié sa nouvelle Stratégie pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées (2025-2028). Pourtant, aucun bilan officiel de la Stratégie précédente (2019-2024) n’a encore été rendu public. 

Les statistiques disponibles et les constats du terrain indiquent toutefois que la Stratégie 2019-2024 n’a pas réellement atteint ses objectifs. Plusieurs solutions prévues n’ont pas été mises en œuvre, ou l’ont été de façon limitée ou inefficace. De plus, même si elle devait être une Stratégie « évolutive », peu de changements concrets ont été observés en cours de route.  

Par ailleurs, les échos sur le terrain sont critiques :  

  • Les services ne répondent pas suffisamment aux besoins, particulièrement pour les personnes ayant une déficience intellectuelle ou les personnes autistes. 
  • L’accompagnement pour favoriser le maintien en emploi est souvent insuffisant, ce qui limite l’autonomie des employés dans leurs tâches et limite la mise en place d’accommodements adaptés par l’employeur.  
  • Les contrats d’intégration au travail (CIT) sont en nombre insuffisant et souvent confondus avec l’idée d’une subvention salariale, alors qu’ils servent à compenser la partie non compétitive du travailleur handicapé;  
  • Les services émergents et innovants du secteur communautaire ne sont pas financés ou le sont de manière insuffisante;  
  • Les listes d’attente dans les organismes spécialisés pour l’emploi des personnes handicapées sont souvent longues;  
  • Bien des personnes restent longtemps dans des stages ou plateaux de travail par manque de choix ou d’alternatives;  
  • Les employeurs ne sont pas toujours sensibilisés à l’inclusion des personnes qui ont une déficience intellectuelle. Le manque de connaissances et les préjugés sur leurs capacités réelles à occuper un emploi limitent leurs accès à plusieurs milieux de travail.  

Ces constats confirment les conclusions des rapports gouvernementaux sur l’emploi des personnes en situation de handicap.  

Une Stratégie nationale 2025-2028 : timide et largement sous-financée 

La SQDI et de ses partenaires ont formulé plusieurs critiques à l’égard de la Stratégie 2025-2028. 

Si la Stratégie 2025-2028 reprend certains principes du milieu communautaire, c’est de manière partielle et souvent sans moyens concrets. Elle manque d’ambition pour transformer les modèles d’employabilité et néglige plusieurs leviers essentiels identifiés par les acteurs du terrain. Pour progresser, le gouvernement devrait mieux reconnaitre le rôle des organismes communautaires et adopter des mesures structurantes permettant de réviser les règles et les modèles actuels. 

De plus, la Stratégie souffre d’un financement insuffisant pour mettre en œuvre les actions proposées. Les 45,4 millions de dollars prévus au budget 2025-2026 pour des nouvelles mesures sont largement insuffisants et représentent une diminution de 68 % par rapport aux budgets annuels précédents. Alors que le gouvernement a coupé dans les services en employabilité en 2025, services qui n’arrivaient déjà pas à répondre à la demande, il est peu probable que ces investissements suffisent à répondre à la demande ou à alléger la charge sur ces services. 

Des pratiques problématiques toujours présentes

Des pratiques problématiques toujours présentes 

Au cours des dernières années, de plus en plus de voix se sont élevées pour dénoncer des situations problématiques liées à l’embauche des personnes ayant une déficience intellectuelle.  

D’une part, les stages de très longue durée non rémunérés ont été critiqués. D’autre part, l’ONU et d’autres organisations ont dénoncé l’exploitation que peuvent subir certaines personnes ayant une déficience intellectuelle dans les programmes de plateaux de travail.  

Par exemple, le Rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage a critiqué le Canada pour le recours à ces plateaux de travail, où des personnes ayant une déficience intellectuelle peuvent rester des années sans salaire ni avantages sociaux. En 2025, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a également dénoncé cette pratique et demandé que toutes les personnes en stages ou plateaux de travail soient rémunérées.  

Les personnes ayant une déficience intellectuelle et leurs familles ont elles-mêmes dénoncé, dans les médias et à l’Assemblée nationale, la persistance de l’exploitation dans les plateaux de travail.  

Pourtant, le gouvernement du Québec continue de financer, à grands frais, les programmes de stages à perpétuité et les plateaux de travail. Cette situation freine l’intégration des personnes ayant une déficience intellectuelle dans le marché du travail régulier. 

La SQDI reconnaît que les plateaux de travail et les stages peuvent être utiles comme étape transitoire vers le marché du travail régulier. Cependant, cette étape doit avoir un début, une fin et des objectifs de formation clairs. Actuellement, ces programmes manquent complètement d’encadrement.  

Pire encore, certaines organisations se financent grâce au travail non rémunéré des personnes ayant une déficience intellectuelle. Cette situation inacceptable montre qu’il est crucial de mieux encadrer ces pratiques et de financer adéquatement les organismes communautaires donnant des services, afin qu’ils n’aient pas à recourir à de tels stratagèmes pour survivre.  

Pour les personnes qui ne peuvent pas intégrer le marché du travail régulier après un passage en plateaux de travail ou en stage, elles ne devraient pas continuer à effectuer des tâches sans rémunération. Le gouvernement doit financer davantage de services, comme les services de répit ou les activités en centre de jour, qui offrent des alternatives réelles et stimulantes au travail non rémunéré. Ces services doivent soutenir le développement du rôle social actif des personnes ayant une déficience intellectuelle. 

➡️ En savoir plus sur le rôle social actif

Le rôle social actif est une façon de donner aux personnes une réelle participation sociale, enrichissante et au service de la collectivité.
 
Le rôle social actif a pour objectifs de :  
– Permettre aux personnes d’occuper un rôle valorisant et reconnu en société;  
– Développer les compétences et la confiance en soi des personnes;  
– Montrer et démontrer la capacité réelle des personnes;  
– Contribuer au développement social et économique de la collectivité. 

Il vise à changer le regard porté sur les personnes, en mettant en avant leurs forces et compétences, et en les mettant au service de la collectivité. 

Le rôle social actif peut être développé à toutes les étapes de la vie, de l’enfance au vieillissement. Sa forme évolue selon les rêves, intérêts et besoins des personnes, permettant de renforcer leurs compétences tout au long de leur vie, en fonction de leurs envies plutôt que leurs limitations. 

Des programmes d’aide sociale qui découragent l’emploi

Des programmes d’aide sociale qui découragent l’emploi

Au Québec, les programmes d’aide financière de dernier recours (aide sociale et solidarité sociale) continuent de décourager les prestataires qui souhaitent travailler.  

En effet, les personnes qui reçoivent ces prestations ne peuvent généralement pas gagner plus qu’un faible montant par mois sans voir leur chèque réduit. Résultat : lorsqu’une personne tente de travailler, que ce soit à temps partiel ou à temps plein, pour sortir de la pauvreté, elle est souvent pénalisée financièrement. Elle risque aussi de perdre son assurance médicaments, son assurance maladie et d’autres prestations sociales essentielles.  

Ces règles créent de véritables « trappes à pauvreté », dont il est très difficile, parfois même impossible, de sortir. Après quelques tentatives infructueuses, beaucoup de personnes se découragent et renoncent à réintégrer le marché du travail.  

En 2025, une personne qui reçoit l’aide sociale ou la solidarité sociale peut travailler sans être pénalisée seulement pour l’équivalent de 200 $ par mois, plus 25 % de chaque dollar additionnel.  

Concrètement, cela signifie qu’une personne qui travaille à temps partiel au salaire minimum (16,10 $/heure) pourrait travailler environ 12 heures par mois avant que sa prestation ne soit réduite ou que son taux horaire soit diminué à 4 $ /heure brut au salaire minimum. 

➡️ Exemple d’un calcul de gains d’emploi

Marie travaille 15 h par semaine, au salaire minimum.  
Marie pourrait donc garder :  

  • Calcul du revenu brut mensuel : 15 x 16,10 $ x 4 = 966 $ 
  • Calcul des revenus excédant la limite de 200 $ par mois : 966 $ – 200 $ = 766 $ 
  • Calcul de ce que Marie peut garder des revenus dépassant la limite mensuelle : 766 $ x 25 % = 191,50 $ 
  • Total de ce que Marie peut garder par mois, avant impôt : 391,50 $ 

Différence : – 574,50 $ (-59 %) 

Avec un revenu qui équivaut à environ 4 $ de l’heure une fois passée la limite mensuelle de 200 $, il est compréhensible que de nombreuses personnes se découragent et n’y voient aucun avantage à travailler.  

Contrairement à la majorité des autres provinces canadiennes, le Québec continue donc de pénaliser les efforts de réintégration du marché du travail par les prestataires. Cette situation perdure depuis des années et les règles actuelles ne permettent pas de sortir de la pauvreté. Elles créent plutôt une classe de personnes coincées dans un statut de travailleurs pauvres ou de prestataires à vie.  

Il est à noter que le Programme de revenu de base applique des règles différentes : il permet aux prestataires de conserver des revenus de travail bien plus élevés, ce qui ouvre enfin la possibilité de sortir de la pauvreté.